Demande d'espaces gracieux
Plus d’un quart des français se sentent dépassés par les nouvelles technologies. Pire encore, 81% auraient besoin d’une remise à niveau.

Grenade & Sparks publie, en exclusivité, une étude qui révèle la peur plus ou moins assumée des français face à un monde en perpétuelle évolution. Une enquête réalisée par OpinionWay.
 
 
Internet, téléphonie mobile, tablettes, jeux vidéos mais aussi réseaux sociaux, évolutions domotiques ou thermo technologiques : serions – nous, en fait, tous dépassés ?
 
Grenade & Sparks a mené l’enquête.  Derrière la fascination à voir se dessiner les solutions d’avenir, il existe parfois un sentiment d’inconfort ou d’inquiétude. La mise en réseau du monde,via les technologies numériques,  nous plonge dans l’ère de l’imprévisible. Cela exige des efforts toujours plus soutenus pour comprendre et s’orienterconstate Hélène Saint Loubert, présidente de l’agence Grenade & Sparks.

A la question : Vous sentez vous dépassé ? Plus d’un quart répondent oui.
 
Selon l’étude[1], nous serions 26% à nous sentir submergés par ce flux ininterrompu de progrès technologiques. Des progrès certes, mais en tornade. Résultat, ils génèrent une impression anxiogène de ne jamais pouvoir se poser pour comprendre.  On est aspiré par une dimension  accélératoire , avec une impossibilité de freinage, reprend Hélène Saint Loubert.

Ronan Chastellier, sociologue et président de Tendanço, développe :  Cet excès d’informations, dans un laps de temps réduit, développe l’émergence d’une société à deux vitesses, une scission entre dépassants et dépassés. 

Pour  reprendre une image courante, il y a, aujourd’hui en France, 26% de personnes qui resteraient à quai, face à un TGV filant à toute vitesse. Non seulement, l’idée, ici, n’est plus de tenter de le rattraper mais plutôt de reculer pour ne pas se laisser aspirer …
 
Un sentiment exacerbé par la  rivalité  entre génération X et génération Y

Dépassants et dépassés ou digital natives vs digital immigrants ? En d’autres termes, ceux qui sont nés avec le web face à ceux qui ont dû l’adopter.

En effet, si on s’arrête sur cette frange de la population dite  dépassée , on constate que 57% d’entre eux ont plus de 50 ans[1], donc des digital immigrants ! La fameuse génération X qui a vu le minitel devenir Web et transformer ainsi tous les codes de l’entreprise.

La question qu’on serait en droit de se poser serait : ce sentiment d’être dépassé est-il réel ou est-ce une impression générée par une société qui renvoie un miroir déformant à ses aînés ?

Combien de sociologues, psychologues, analystes ou philosophes se sont penchés sur la question à coup de comparatifs et de termes lapidaires, emprisonnant chaque catégorie dans des cases bien définies ? Les experts-analystes creuseraient-ils ce décalage ? Ceux qui doivent encore imprimer leur texte pour le corriger au crayon contre ceux qui regardent trois écrans simultanément. Génération sacrifiée contre génération connectée ? Tanguy contre Poucette[2].
 
Mais le seul critère générationnel n’explique pas tout. Se sentir largué (parlons clairement !) n’est pas l’apanage des séniors! L’innovation creuserait aussi des écarts sociaux. Le Ministère de la Culture et de la Communication l’a démontré, en 2010, en publiant dans  Culture & médias 2030 , une étude sur l’évolution des usages des TIC[3]. Un développement entier était consacré à la question de l’isolement des populations moins éduquées dont le rapport à l’écrit et/ou à l’abstraction ne permet pas d’assimiler des évolutions technologiques trop rapides.

L’e-inclusion[4] a encore du chemin à parcourir, concluait le rapport.

Notre enquête aujourd’hui le confirme : 28% de CSP- contre 15% de CSP+ sont représentés dans cette population de dépassés.
 
Et au tr
avail, ça se passe comment ?
 
Là où les résultats s’avèrent étonnants, c’est sur la question plus précise des actifs.
Seulement 15 % se disent  dépassés  dans leur travail. Le chiffre paraît anormalement bas compte tenu du nombre de Français qui éprouvent le besoin de se remettre à niveau (81% cf plus bas).

Le sentiment d’être dépassé dans son travail relèverait donc du tabou pour le salarié ? Et de fait, il devient ainsi un facteur de stress supplémentaire, particulièrement dans ce contexte de crise économique.

 Se sentir perdu face à la e-transformation du monde impliquerait une forme d’aveu d’incompétence. Ce serait comme montrer un signe de vieillesse dans une entreprise qui se doit de rester toujours jeune.  note Hélène Saint Loubert. Le salarié préfère donc paraître infaillible et afficher des certitudes plutôt que sa fragilité. C’est sa crédibilité qui est en jeu.
 
Plus de 8 français sur 10 auraient besoin d’une formation de remise à niveau.

L’impression de faiblesse est donc bien plus générale qu’on le laisse entendre. Si avouer ses lacunes au bureau reste impensable, le besoin d’apprendre s’impose comme une nécessité, puisque 81% des français ressentent le besoin de se remettre à niveau. Longtemps, on a évolué dans un monde de certitudes, aujourd’hui on est moins assuré que jamais d’en avoir.

Pour répondre à cette nouvelle angoisse des salariés, un business florissant émerge depuis quelques années : celui des formations. Séminaires, MBA à temps partiel, mastères, les offres rivalisent d’innovation. Le marché prolifère et ignore la crise.  Renforcer son potentiel, renforcer ses compétences, optimiser ses expertises …  Tout un jargon de réassurance dans une période où l’on cherche à se mettre à l’abri de la faute d’ignorance. Nous voulons croire à l’efficience magique de la formation  reprend Ronan Chastellier

Les raisons de ce phénomène ? La crise, certes mais aussi la digitalisation du monde. Plus aucune entreprise ne peut se développer aujourd’hui sans les outils indispensables que représentent l’e-business et l’e-marketing.  Nous sommes tous témoins des profondes mutations qui s’opèrent dans les entreprises. De nouveaux métiers émergent et de nouvelles fonctions apparaissent. Ces perspectives ont révolutionné les rouages de l’économie mondiale. Il n’y a plus d’économie digitale mais bien une digitalisation de l’ensemble de l’économie !  rappelle Vincent Montet, directeur des stratégies digitales chez Grenade & Sparks et du MBA MCI de l’Institut Léonard de Vinci.

Quant à ce contexte de crise économique, il est  producteur de vérité , selon Ronan Chastellier.  Il force  les Français à réagir de façon productive aux problèmes qui se posent et donc à  se  remettre à niveau . C’est une thérapie de choc qui oblige à s’interroger sur ses fondamentaux.

Si bien que les français sont prêts à se  former mieux  pour mieux correspondre notamment aux besoins de l’entreprise.
 
Et si on profitait de l’été !

Le 1er janvier n’a pas le monopole des bonnes résolutions. L’été est une période propice pour prendre un peu de recul. Le rythme décélère, on absorbe les dossiers laissés en jachère, on affronte la pile de documents  non lus  et on se pose les bonnes questions.  

Toujours selon notre étude, 55% des Français estiment que l’été est le bon moment pour se remettre à niveau.

On serait plus disponible, plus ouvert donc plus réceptif.  L’été s’est installé dans les entreprises comme une période rituelle, plus sereine où l’on  déjeune et rencontre  davantage.  Il y aurait donc une sorte de calendrier émotionnel des saisons pour les prises de consciences professionnelles et pour oublier les contraintes et les routines du quotidien.  L’été permettrait une forme de renouvellement.   conclut Hélène Saint Loubert. C’est aussi lors de ce moment de vérité que l’on peut  ressentir soudain l’impression de se tromper, de faire fausse route, qui sont des forts ressorts de changement ! 

Alors pluvieux ou non, orageux ou sec ( !), bon été à tous.
 
[1] 29% de 50-64 ans et 28% de plus de 65 ans.
[2] Référence au texte de Michel Serres  Petite Poucette  sur cette nouvelle génération qui envoie des sms du bout de son pouce http://www.youtube.com/watch
?v=5fL4ZBDqQqU
[3] Technologies de l‘Information et de la communication
[4] Terme utilisé par le Ministère de la Culture et de la Communication pour désigner les manières de lutter contre la fracture numérique.


[1] Etude menée en mai dernier auprès de 1011 personnes.