Demande d'espaces gracieux

A l’occasion du lancement de l’Institut du Bien Vieillir Korian, Ipsos a réalisé une enquête auprès des personnes âgées de 65 ans et plus, afin de comprendre quelle était la relation au plaisir des séniors. Comment se sent-on quand on vieillit ? Se fait on encore plaisir ? De quelle manière ? Y a-t-il une certaine auto-censure des séniors sur le sujet ? Ou au contraire, profitent-ils de la vie sans complexe et sans limite ?

Par ailleurs, afin de comprendre si le reste de la population identifiait et comprenait le rapport que les seniors entretiennent avec le plaisir, Ipsos a également interrogé un échantillon de personnes âgées de 15 à 64 ans : ont-ils le sentiment que ces derniers peuvent encore se faire plaisir à leur âge ? A leur avis, comment se divertissent-ils aujourd’hui ?

Les résultats révèlent de réelles différences entre ce que les Français perçoivent et ce que les séniors vivent réellement. Alors que dans l’imaginaire collectif, il devient difficile de se faire plaisir à partir d’un certain âge et que c’est essentiellement via leurs petits-enfants que les séniors vivent encore des moments de bonheur, ces derniers dressent un état des lieux de leur situation très différent et surtout bien plus positif. Bien dans leur tête et dans leur corps pour la majorité d’entre eux, ils continuent au maximum de profiter de la vie. Ils ont d’ailleurs plus le sentiment que les autres d’arriver à contrôler leur vie et leurs sources de plaisir sont très variées. Si la famille revêt une importance significative à leurs yeux, ils indiquent toutefois ne pas profiter autant qu’ils le souhaiteraient de leurs enfants et petits-enfants.

Des séniors majoritairement bien dans leur tête et dans leur corps
Les séniors vivent bien leur âge…

Vieillir n’est plus une fatalité pour de nombreux séniors. La quasi-totalité d’entre eux (91%) déclare bien vivre son âge, dont 24% qui indiquent même le vivre très bien. Les femmes comme les hommes, les plus de 80 ans comme les plus jeunes, tous acceptent plutôt facilement d’avoir l’âge qu’ils ont.

Il faut dire que les séniors ont le sentiment de paraître plus jeunes qu’ils ne le sont réellement (77%). Seuls 19% pensent qu’ils  font leur âge  et 4%  plus que leur âge . L’impression de faire  moins que son âge  se renforce même avec les ans : si 68% des 65-69 ans ont ce sentiment, ils sont 86% chez les personnes de plus de 80 ans ! Loin d’en avoir honte, la plupart des séniors assument donc parfaitement leur âge.

Cette attitude décomplexée face au temps qui passe s’explique probablement en partie par le fait qu’ils s’estiment pour la plupart d’entre eux en bonne santé, physique (87%) et psychologique (97%), même si les résultats sont logiquement un peu moins positifs après 80 ans. Surtout, les interviewés entretiennent avec leur corps une relation apaisée qui les aide probablement à accepter les désagréments qu’il peut leur occasionner. Ainsi, la très grande majorité a le sentiment ou de parfaitement connaître son corps (40%), ou de ne pas forcément le connaître mais de lui faire confiance (49%). Seuls 9% déplorent ses réactions imprévisibles.

… et ont le sentiment d’avoir le contrôle de leur vie

C’est l’un des principaux enseignements du sondage : les séniors subissent beaucoup moins leur vie que les Français dans leur ensemble. La majeure partie d’entre eux (59%) indique ainsi avoir le contrôle de la manière dont celle-ci se déroule, quand seuls 40% des Français disent la même chose. Certes, ils sont 37% à considérer qu’ils n’ont que peu de pouvoir réel sur ce qui leur arrive et 4% à penser qu’ils n’ont pas la moindre prise sur leur destin, mais à l’échelle nationale, ce sont six Français sur dix qui ont le sentiment d’être dépossédés du cours de leur vie.

Il faut dire qu’en plus d’avoir du temps et une relative bonne santé, les séniors ont également un pouvoir d’achat un peu plus important que la moyenne. Ainsi, 47% déclarent pouvoir mettre de l’argent de côté (contre 43% des Français dans leur ensemble) et la proportion de personnes contraintes de vivre sur leurs économies ou d’être à découvert est moins importante chez les séniors (11%) que chez les Français (19%).

Cette situation masque toutefois de réelles disparités selon le profil des interviewés : les femmes ont dans l’ensemble beaucoup plus de mal à mettre de l’argent de côté que les hommes et les écarts se creusent nettement à partir de 76 ans : seules 40% des femmes de cet âge parviennent à épargner, contre 58% des hommes du même âge.

Notons enfin que la plupart des séniors s’estiment plutôt bien entourés : ils ont des contacts réguliers avec leur famille (77%), leurs amis (69%) et même leurs voisins (60%) et 90% d’entre eux déclarent ne pas souffrir de grande solitude. Ce bien-être général ne doit toutefois pas occulter les 10% de séniors qui déclarent se sentir très seuls tous les jours ou au moins un jour sur deux (14% chez les personnes de 80 ans et plus).

Quand vieillir rime avec plaisir !
Les séniors revendiquent le droit au plaisir jusqu’à la fin de leur vie

Pour les Français de moins de 65 ans, la vie peut procurer du plaisir jusqu’à 75 ans en moyenne. Peu de personnes imaginent qu’au-delà, il est vraiment possible de se faire plaisir, sans doute parce que dans l’imaginaire collectif, les problèmes de santé, d’argent ou de solitude deviennent des barrières infranchissables. Dès lors, seuls 51% des Français considèrent qu’aujourd’hui, la vie est encore une source de plaisir pour la plupart des personnes âgées aujourd’hui, contre 49% qui pensent l’inverse.

Or, comme on l’a vu, les séniors sont loin d’être aussi moroses que leurs cadets ne l’envisagent. 83% des plus de 65 ans assurent ainsi que la vie est pour eux aujourd’hui une source de plaisir (ils sont encore 78% à l’affirmer chez les plus de 80 ans) et quand on leur demande jusqu’à quel âge on peut se faire plaisir, la majorité place le curseur au-delà de 80 ans (82 ans en moyenne).

Preuve que leur quotidien n’est pas dénué de toute joie, ils sont également 69% à déclarer que le dernier moment de vrai plaisir qu’ils ont vécu a eu lieu dans la semaine qui vient de s’écouler, un quart (23%) indiquant même qu’il s’est produit le jour même.
Enfin, les séniors considèrent que l’avenir leur réserve encore de belles choses : 28% déclarent ainsi qu’ils vivront encore beaucoup de moments de plaisir et 45% qu’ils en vivront encore même si c’est moins qu’aujourd’hui. L’enthousiasme quant à l’avenir dépend toutefois logiquement de son âge : si 42% des 65-69 ans pensent qu’ils vivront encore beaucoup de moments de plaisir dans le futur, ils ne sont plus que 17% à penser la même chose après 80 ans.

La retraite : la plus belle période de la vie ?

Compte tenu de tout ce que l’on vient de voir, on peut se demander dans quelle mesure la retraite ne serait pas la plus belle période de la vie, celle durant laquelle on dispose à la fois des moyens et du temps nécessaires pour penser à soi et à son bien-être.

C’est effectivement ce que nous disent de nombreux séniors : si la retraite n’est pas forcément le moment où l’on vit le plus de moments de plaisir (c’est plutôt vers 46 ans en moyenne selon les interviewés), c’est en revanche une période durant laquelle il est plus facile d’en vivre. Ainsi, pour 64% d’entre eux, c’est lorsqu’on est jeune retraité (46%) ou grands-parents (15%) qu’il est le plus aisé de se faire plaisir. Seuls 8% estiment que c’est lorsqu’on est enfant, adolescent ou étudiant, 15% que c’est quand on s’installe et 16% quand on a des enfants. Loin d’être nostalgiques de leur passé, les séniors semblent au contraire penser qu’ils ont enfin l’occasion de profiter de la vie : les enfants ont quitté la maison, leur vie professionnelle est derrière eux, les gros problèmes de mobilité et de santé ne sont pas encore leur lot quotidien…

Là encore, il est frappant de constater à quel point leurs déclarations sont très différentes de la vision qu’en ont les plus jeunes. Ces derniers restent ainsi persuadés que c’est autour de la trentaine qu’on vit le plus de moments de plaisir et que la période durant laquelle il est plus facile de prendre du bon temps a lieu plus tôt (à l’adolescence, quand on est étudiant ou quand on s’installe). Seuls 35% pensent que c’est lorsqu’on est jeune retraité ou grands-parents.

Les séniors ont de multiples sources de plaisir mais ne profitent pas autant de leur famille qu’ils le souhaiteraient
Les séniors se font plaisir de multiples manières

Aujourd’hui, les séniors s’adonnent à de multiples activités avec plaisir et régularité. Parmi ces activités qu’ils aiment faire et pratiquent autant ou presqu’autant qu’ils en ont envie, les médias figurent en bonne position, qu’il s’agisse de regarder la télévision (73%), d’écouter la radio (56%) ou de lire le journal (54%). De manière assez attendue, nombre d’entre eux aiment faire des mots croisés ou autres sudokus (48%) ou lire des livres (44%) mais ils apprécient également téléphoner à leurs amis (46%), faire un bon repas chez eux, en famille ou avec des amis (44%) ou rien que pour eux (36%), ou encore boire un bon petit verre de vin (40%). Ces résultats témoignent d’un certain hédonisme de leur part.

La famille occupe également une place importante dans leur quotidien. Ainsi, lorsqu’on demande aux séniors les plaisirs qu’ils apprécient le plus dans leur vie quotidienne, ces derniers citent avant tout la famille (67%), devant les amis (44%), les voyages (35%), le rire (34%), le bricolage/jardinage/couture (30%), le plaisir de recevoir ou d’être reçu (30%), la promenade (28%), la culture (25%), le fait de prendre du temps pour soi (24%) et le repas (23%). Fait amusant, les plus jeunes ont pour une fois une vision assez similaire des choses, si ce n’est qu’ils ne mentionnent pas autant la culture et le repas et insistent davantage sur le souvenir et la discussion.

C’est également la famille qui arrive en tête des plaisirs auxquels les séniors sont le plus attachés aujourd’hui, comme c’était déjà le cas autrefois et comme cela le sera encore demain selon eux.

Un regret : ne pas passer plus de temps avec leurs enfants et petits-enfants

Toutefois, alors qu’il s’agit de quelque chose de très important pour eux, les séniors semblent ne pas pouvoir profiter autant qu’ils le souhaiteraient de leur famille. Près de la moitié d’entre eux indiquent ainsi aimer les contacts avec leurs proches mais en avoir moins qu’ils ne le voudraient, qu’il s’agisse des discussions avec leurs enfants sur des sujets sérieux pour les conseiller (45%), ou du temps passé avec leurs petits-enfants pour discuter avec eux (43%) ou leur faire découvrir des choses qui leur tiennent à cµur (43%).

D’ailleurs, aujourd’hui, c’est moins avec leurs enfants (20%) ou petits-enfants (16%) que les séniors vivent les meilleurs moments de plaisir qu’avec leur conjoint (43%), ce dont les Français n’ont pas du tout conscience. Ainsi, les moins de 65 ans pensent que les personnes âgées vivent surtout des moments de plaisir avec leurs petits-enfants (45%) et sous-estiment l’importance du conjoint (26%). Ce décalage de perception montre une nouvelle fois à quel point les Français ont une vision biaisée des séniors, qu’ils ont tendance à réduire à leur statut de grands-parents, alors même que ces derniers regrettent de ne pas pouvoir s’investir davantage dans ce rôle.

Si les séniors s’occupent donc aujourd’hui de manière très variée et ont le sentiment de vivre pleinement leur vie, il existe néanmoins chez eux une pointe de regret sur la qualité des relations entretenues avec leur descendance. Il est probable que leur très fort désir de voyager, de continuer à voir leurs amis, de recevoir et d’être reçu par les autres les éloigne un peu plus qu’ils ne le voudraient de leur famille. Leur souci de continuer à entretenir des liens forts vers l’extérieur génère vraisemblablement un certain sentiment de manque vis-à-vis de la famille. Ils font le grand écart.

Par ailleurs, l’enquête montre aussi que leur manque, lorsqu’il s’exprime, concerne presqu’autant leurs enfants que leurs petits-enfants. Beaucoup aimeraient pouvoir discuter avec leurs enfants de sujets sérieux et pouvoir les conseiller. Il est vraisemblable que certains seniors regrettent d’être  réduits  à leur statut de grands-parents alors même que celui de  parents  reste fondamental pour eux.

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